RetourFocus : le marché de la mode aujourd'hui

La mode pèse dans l'économie française !


Avec un peu plus de 29 milliards d’euros générés en 2011, le marché de la mode, reste malgré la crise, un poids lourd de l'économie française.

  • Comment fonctionne ce marché ?
  • Qui sont les intervenants ?
  • Et quelles sont les grandes évolutions de ces dernières années ?

Quelques éléments de réponse dans ce focus.


En 25 ans, le marché de la mode en France est passé d'une majorité de boutiques de détaillants à une suprématie des chaînes spécialisées. Cette « révolution » du mode de distribution s'est accompagnée d'une révolution du modèle économique. Les chaines ont décloisonné les métiers. Désormais, le parcours d'un vêtement n'est plus descendant (fabricant, grossiste, détaillant), il devient linéaire : la chaine fabrique et distribue sous sa marque.
Ce changement de logique a induit une plus grande réactivité du marché. De deux collections annuelles naguère (printemps/été et automne/hiver) nous en sommes aujourd'hui à 6 voire 8 et plus aujourd'hui. Mais l'accélération des processus de création/vente touche à ses limites. Les marges sont rognées au profit du volume. Le prix devient l'argument maitre... ce qui fait forcément le jeu des pure-players de l'internet !


Une concurrence chasse l'autre...

Selon l'avis de l'Institut Français de la Mode (IFM), le chamboulement du secteur de la mode a débuté avec l'arrivée sur le marché des premières enseignes de distribution spécialisées dans le milieu des années 1980. Ces premières enseignes ont adopté deux principaux formats : la grande surface d'habillement grande diffusion de périphérie (Gemo, Kiabi, La Halle!) et les chaines spécialisées de centres-villes et centres commerciaux (Camaïeu, Etam, Celio, Du Pareil Au Même...). « Dans les années 1990, les chaînes françaises ont elles-mêmes été bousculées par de nouvelles enseignes, issues d’autres pays européens et tissant leur toile de pays en pays. » Ces enseignes nommées Zara, H&M ou Mango ont « changé les références du marché français en termes de mode et de rapport style qualité-prix. »
Et depuis, de nouvelles concurrences se sont ajoutées avec notamment l'arrivée sur le marché français de marques japonaises et américaines, mais aussi plus récemment encore, la création de boutiques virtuelles pure-players sur internet (entre 2006 et 2011, les ventes en ligne d’habillement ont été multipliées par près de 4, et leur poids dans la distribution atteint 9,4 %). Toutes ces nouvelles concurrences ont largement modifié le paysage de la distribution du secteur de la mode en France.


Suprématie des chaines spécialisées

« L'essentiel des évolutions de la distribution de mode se résume à un effet « de ciseau » entre les réseaux d'enseignes spécialisées et le commerce indépendant » constate l'IFM. Cet effet de ciseaux se traduit en chiffres par une suprématie des chaines spécialisées. Ainsi en 2011, l'ensemble des chaînes (centre-ville et grandes surfaces de périphérie) ont drainé 39,1 % de l'ensemble du chiffre d'affaires de l'habillement (soit 5 points de plus qu'en 2000).
Dans le même temps, très logiquement, le poids du commerce indépendant multimarques a diminué de 4 points pour atteindre une part de marché de seulement 16,4 %. Dans le détail, les chaines spécialisées de centres-villes et de centres commerciaux s'installent en tête de la distribution de mode avec 27 % de parts de marché, suivi du commerce indépendant d'habillement (16,4 %), les hypers et supermarchés (13 %), les grandes surfaces d'habillement grande diffusion de périphérie (12,1 %). Le reste des parts de marché s'éparpillent entre la vente à distance par catalogue (7,1 %), les spécialistes sport (7 %), les grands magasins (5,7 %), les autres circuits dont les pure players d'internet (6,6 %), les marchés et foires (2,7 %), et les magasins populaires (2,3 %). « En permanence, les grands acteurs de la distribution française sont ainsi soumis à de nouvelles concurrences sur un marché, au mieux stagnant, et déploient tous les moyens pour attirer des consommateurs saturés d’offres. »


Une course en avant stoppée net

La montée en charge des chaines spécialisées a largement impacté le marché de la mode notamment du fait de l'accélération du rythme des collections. Et de fait, aujourd'hui, la mode est le seul secteur à pouvoir proposer chaque saison, un tel niveau de nouveautés (86 % de l’offre est constituée de produits différents dont 62 % de nouveautés pures). Selon les chiffres de l'IFM, « en 2007, le nombre moyen de collections dans les chaînes spécialisées et les marques en Europe était de 4,7 par an (soit environ deux collections par saison) ». Et si en 2007, distributeurs et marques projetaient d'arriver à un rythme de 6,8 collections par an en 2010, la crise a réfréné les ardeurs, ramenant pour 2010 à un rythme de 5,1 collections par an.

En 2011, cette course en avant des chaînes a été stoppée net : « Après plusieurs décennies de baisse des coûts d’approvisionnement, de surabondance des capacités de production mondiales et de montée en puissance de la Chine « usine du monde », une inflexion brutale est intervenue dans la deuxième partie de l’année 2010, avec la hausse simultanée des coûts de main d’œuvre en Asie, des prix des matières premières (coton en particulier) et du transport. »
Les clients habitués à des petits prix ont vu subitement les étiquettes repartir à la hausse. Cette remise en cause du système plus volontiers basé sur les volumes que sur la qualité a fait l'effet d'un coup de semonce dans les enseignes spécialisées. Surtout qu'elle s'est accompagnée en 2011 par une baisse importante du pouvoir d'achat et des arbitrages en défaveur du vêtement.


Les stratégies de demain : entre relocalisation et segmentation

Sachant que le marché de la mode en France est quasi à saturation, que les clients recherchent avant tout le petit prix quitte à attendre des promotions ou des soldes (près d’un Français sur trois déclare ne plus acheter ses vêtements qu’à prix dégriffés), les chaines spécialisées doivent revoir leurs stratégies pour limiter la casse sur les marges. Et si face à la hausse des coûts des matières premières, les acteurs en présence ne peuvent pas faire grand chose, sur le terrain du coût de la main-d'œuvre et du transport, des solutions sont déjà engagées.

Selon les enseignes, cela passe notamment d'après les observations de l'IFM par « un rééquilibrage au sein de l’Asie (baisse de la Chine au profit du Bangladesh ou du Vietnam par exemple) » mais aussi une relocalisation de la fabrication au plus proche de la consommation (espace euro-méditerranéen). Parallèlement, les chaines travaillent de plus en plus à réduire les surproductions en segmentant les mises en fabrication et en affûtant leur réactivité (capacité à travailler à très court terme). Ce retour du petit volume très segmenté sur le marché pousse à plus de qualité, plus de nouveautés, tout en diminuant les immobilisations et les stocks. L'image de l'enseigne est ainsi mieux maîtrisée puisque les opérations de déstockage sont globalement moindres.
 

Dominique André-Chaigneau, Trouver Une Franchise©